• Le Soldat inconnu

     

    Le Soldat inconnu

     

    Le Soldat inconnu

    Pourquoi et comment le Soldat Inconnu a-t-il été choisi à Verdun ?

    L’idée de choisir un Soldat Inconnu français afin de rendre hommage à tous les combattants dont le corps avait disparu est proposée par le Président de la section du Souvenir Français de Rennes, Monsieur Francis Simon, le 26 novembre 1916.
    Le 12 juillet 1918, l’idée est reprise par Maurice Marenoury, député maire de Luisant. Le 19 novembre 1918, ce député dépose une proposition de résolution à la Chambre des Députés en vue de faire exhumer les restes d’un fantassin français, mort sur le champ de bataille, enterré sur la ligne de feu sans que son identité ait pu être établie et à déposer ces restes au Panthéon dans un monument sur lequel seront inscrits ces mots : « Au Poilu, la Patrie reconnaissante ! ».
    Cette proposition lance le débat sur le site d’inhumation du Soldat Inconnu. Le 12 Septembre 1919, 87 députés dont les deux députés de la Meuse, André Maginot et Albert Thiery, déposent une proposition de résolution ayant pour objet le transfert solennel au Panthéon d’un soldat anonyme français tombé au champ d’honneur.
    Le 12 novembre 1919, la chambre des députés valide le choix du Panthéon. Un an plus tard, le 2 novembre 1920, le Conseil des Ministres saisit les Chambres d’un projet de loi autorisant le transfert et l’inhumation au Panthéon, le 11 novembre 1920, des restes du Soldat Inconnu. Si quelques jours et une polémique sont encore nécessaires pour que le Panthéon cède sa place à l’Arc de Triomphe, le 2 novembre marque véritablement la décision du transfert et de l’inhumation d’un Soldat Inconnu.

    Maginot

    Comment dès lors intervient le choix de Verdun ?

    Le choix de Verdun doit tout à André Maginot, député de la Meuse et Ministre des pensions. Le 3 novembre 1920 recevant des journalistes André Maginot leurs présentent le programme du transfert du corps du Soldat Inconnu.

    « - Le Gouvernement met au point le programme définitif des fêtes du cinquantenaire de la République. Il était à peu près entièrement arrêté mais la décision du Conseil des ministres, qui envisage le transfert solennel de la dépouille d’un Soldat Inconnu au Panthéon, impose un remaniement des projets et pose de nouveaux problèmes que je suis chargé de résoudre en ma qualité de ministre des Pensions.
    Ma première préoccupation a été de respecter la volonté exprimée par l’opinion publique : il importe que le soldat dont les restes seront transférés au Panthéon soit, sans contestation possible, un Soldat Inconnu.
    Ce qu’il fallait surtout, et c’est là notre principale préoccupation, pour le choix du corps qui sera transféré au Panthéon, c’est d’assurer l’anonymat de la façon la plus complète, de telle sorte que les familles qui ont la douleur d’avoir un de leurs membres tué à la guerre, qu’elles n’ont pu retrouver identifié, puissent croire et toujours rester en droit de supposer que l’être qui leur est cher fait l’objet de ce suprême hommage, et puissent chacune penser à son mort. J’ai tenu à ce que toutes les garanties soient prises pour que la dépouille transférée au Panthéon soit bien celle d’un soldat français inconnu. Il faut que les familles ayant un des leurs disparu pendant la guerre puissent dire devant le cercueil exposé : C’est peut-être celui que nous pleurons qui se trouve là ! Nous leur réserverons ainsi un vague espoir, un suprême réconfort. Car ils sont, hélas ! bien nombreux les héros anonymes qui dorment de leur dernier sommeil sur les champs de bataille.

    Voici donc les dispositions qui ont été prises :

    Il s’agit de transférer depuis le front jusqu’à Paris, dans des conditions d’anonymat absolu, le corps d’un soldat mort au champ d’honneur.

    Afin d’assurer cet anonymat, j’ai résolu de faire de la façon suivante :

    Voici comment nous devons procéder. L’ancienne zone des armées de nos champs de bataille se trouve actuellement divisée en neuf zones : les régions de Lille, d’Amiens, de Châlons-sur-Marne, de Belfort, de Nancy et d’Épinal, l’Alsace, la Lorraine et la Belgique. Des ordres, par télégrammes, ont été envoyés aujourd’hui même aux généraux commandants de ces neuf régions qui divisent l’ancienne zone des armées afin qu’ils fassent exhumer, chacun dans la région qu’il dirige et sur un point qui devra être tenu secret, dans un endroit de son secteur désigné par eux, à l’exhumation du corps d’un soldat dont l’identité comme Français ne saurait faire aucun doute, mais dont l’identité personnelle n’aura pu être établie.
    Les endroits où auront eu lieu ces exhumations devront être tenus rigoureusement secrets. Chaque corps ainsi exhumé sera placé dans un cercueil de chêne et transporté ensuite en automobile sur Verdun. Mardi prochain, 9 novembre, avant 18 heures, neuf cercueils contenant autant de corps anonymes pris sur différents points de l’immense champ de bataille, se trouveront ainsi réunis, en ce point symbolique. Les neuf dépouilles ainsi désignées seront réunies et placées dans une chambre ardente de cette glorieuse citadelle de Verdun que tous les soldats de France on si héroïquement défendue. Une veillée funèbre y sera organisée.
    Je ferai réunir une compagnie d’infanterie sélectionnée et composée uniquement de soldats anciens combattants de la grande guerre ayant mérité la croix de guerre. Cette compagnie sera placée devant les neuf cercueils alignés et en aura la garde.
    J’avais songé, tout d’abord, à faire prendre le cercueil du héros inconnu dans un cimetière de Verdun. Vous comprenez que Verdun, où reposent dans de nombreuses nécropoles quatre cent mille héros français, était tout indiqué, puisque aussi bien toute l’armée française s’est battue à Verdun. Verdun est un symbole. Mais l’anonymat n’eût pas été suffisamment assuré. A la réflexion, j’ai changé d’avis, et je crois bien que les dispositions que je viens d’arrêter donnent satisfaction à tout le monde.
    Dans la matinée de mercredi, je me rendrai moi-même à Verdun, pour la cérémonie du choix définitif du héros inconnu.
    Parmi ce détachement ayant combattu et réuni dans la citadelle, je ferai sortir du rang un de ces vaillants soldats et, sans connaître la provenance des cercueils, je lui demanderai de choisir un cercueil qu’il désignera à son gré : ce sera celui du Soldat Inconnu qui figurera au cortège du 11 novembre et qui aura les honneurs du Panthéon.
    Les restes glorieux du soldat anonyme seront ramenés, le 11 novembre, à 8 heures, à la porte Maillot, où se formera le cortège.
    - Et que ferez-vous des huit autres cercueils ? avait demandé la presse au ministre.
    - Quant aux huit autres cercueils qui resteront, je les ferai sans doute à nouveau inhumer dans un des cimetières de cette ville même et nul ne saura d’où ils sont venus. Ils ne peuvent point l’être dans une terre plus glorieuse que celle-là.
    Immédiatement après le corps du héros désigné par un frère d’armes quittera Verdun à 9 heures pour arriver dans la matinée de jeudi. Il sera transporté sur une automobile jusqu’à Paris, où l’arrivée est prévue vers 5 heures du matin.
    J’ai vivement désiré que les honneurs puissent être rendus le long de la route au cercueil du Soldat Inconnu. Bien que cela soulève des difficultés d’exécution, je vais essayer d’organiser un service. Jamais on ne rendra un trop grand hommage au glorieux mort anonyme que le sort aura désigné pour représenter le patriotisme dans sa forme la plus haute, la plus pure, la plus désintéressée…

    Les détails de ce transport et les honneurs qui lui seront rendus sur la route ne sont pas encore définitivement réglés et ne pourront l’être qu’après entente avec l’autorité militaire. C’est ainsi qu’on a envisagé de faire accompagner le corps par des détachements de cavalerie échelonnés le long du parcours qui salueront la glorieuse dépouille pour lui rendre les honneurs. Mais, avant d’être aux portes de la capitale, une nouvelle veillée d’armes pourrait être organisée.

    Les deux cents kilomètres séparant Verdun de Paris ne seront pas franchis en une seule étape. A la demande de messieurs de Lamont et Binet-Valmer, sur un point de l’itinéraire et dans un lieu qui reste à fixer, dans la nuit du 10 au 11 novembre, une halte sera prévue à cinq ou six kilomètres de Paris. Les associations d’anciens combattants ont exprimé le désir que le corps séjournât une heure ou deux pour leur permettre de faire une nouvelle veillée d’armes solennelle autour du corps de leur camarade inconnu, assurée par des groupes de mutilés et d’anciens combattants. »

    Trois jours plutôt le Ministre apporte aux journalistes quelques précisions :

    « - Eh oui ! avait-il dit, il a été décidé que la dépouille mortelle du Soldat Inconnu sera transportée de Verdun à Paris, non plus en automobile, comme on l’avait décidé tout d’abord, mais par la voie ferrée, par train spécial. A la réflexion, cela nous a paru plus convenable et plus sûr. Nous n’aurons plus à craindre une panne toujours possible qui aurait retardé l’heure de l’arrivée ; nous évitons aussi d’avoir à mobiliser tout le long de la route les troupes qui devaient rendre les honneurs.
    J’irai chercher le glorieux cercueil à Verdun et le ramènerai jusqu’à la gare de la porte Maillot où aura lieu la veillée funèbre.
    Je partirai de Paris mercredi matin, par train spécial, à 7 heures 35. Je serai accompagné d’une délégation de cinq veuves de guerre, cinq mutilés et cinq anciens combattants, ainsi que d’un certain nombre de députés anciens combattants qui se joindront certainement à nous. Le train arrivera à Verdun vers midi.
    La cérémonie de la désignation du corps dans la citadelle de Verdun aura lieu le même jour, à 15 heures, et le corps du Soldat Inconnu sera placé dans un fourgon transformé en chapelle ardente. Le départ du train spécial a été fixé à sept heures du soir, pour arriver à Paris vers minuit à la gare de la porte Maillot.
    L’avant-veille, la municipalité aura reçu les neuf cercueils contenant les restes de soldats français dont l’identité n’aura pu être établie et qui auront été exhumés dans les différents secteurs de l’ancien front ; ils arriveront à Verdun où ils seront transportés à l’intérieur de la citadelle et placés dans une chapelle ardente décorée de trophées et des médailles décernées à la ville de Verdun pour sa valeureuse conduite, et transportés pour la circonstance. La municipalité de cette ville, désirant de son côté rendre un hommage solennel aux héros inconnus, une garde d’honneur imposante, composée de représentants du conseil municipal de la ville, de soldats en armes, de veuves, d’anciens combattants, de mutilés et de vétérans de 1870, veilleront les corps. La population de Verdun sera admise à défiler devant les neuf cercueils alignés dans une chapelle ardente de la citadelle.
    Sur le cercueil désigné, ainsi que je vous l’ai dit, par un soldat combattant de la grande guerre, la municipalité déposera la médaille militaire de Verdun et trois couronnes. Le cercueil sera l’ordinaire cercueil en chêne, et sur le cercueil du Soldat Inconnu qui viendra à Paris on placera une plaque portant pour toute inscription : LE SOLDAT FRANÇAIS. J’avais proposé : Le Vainqueur de la grande guerre. On a préféré la première rédaction, évidemment plus éloquente en sa simplicité. C’est d’ailleurs la même inscription qu’on a prévue pour l’emplacement du cercueil au Panthéon. L’une des couronnes déposée par le Gouvernement portera la mention : Au Soldat français, le Gouvernement de la République.
    Une objection m’avait été présentée par certaines familles de disparus : Nous savons approximativement, disaient-elles, dans quelle région est tombé celui que nous pleurons. Si, après le choix fait à Verdun, vous ne renvoyez pas les huit autres corps à leur lieu de repos primitif, l’illusion que nous reste de nous arrêter peut-être sur la tombe d’un être cher s’envolera.

    Cet argument m’avait un peu ébranlé. Cependant, si nous nous rangions au désir légitime de ces familles, l’anonymat ne serait plus respecté et l’on pourrait facilement découvrir de quel secteur du front le neuvième cercueil aurait été exhumé.
    En effet, si ces huit cercueils étaient renvoyés dans leurs secteurs respectifs, on risquerait fort de dévoiler de quel secteur du front a été exhumé le neuvième cercueil, celui du Panthéon. Ces huit autres cercueils qui resteront le 10 au soir à Verdun, après le départ du corps du Soldat Inconnu, seront inhumés par les soins de la municipalité, le 11 novembre, à l’heure même où se déroulera la cérémonie à Paris.
    J’ai donc décidé que rien ne serait changé à ce qui avait été prévu précédemment. On inhumera les huit autres cercueils à Verdun.
    J’ajouterai que la municipalité de Verdun, soucieuse de s’associer le plus intimement possible à la manifestation du 11 novembre a tenu encore à se charge de cette cérémonie pour rendre les honneurs funèbres aux huit autres cercueils de Soldats inconnus. Elle a eu la noble et patriotique pensée d’organiser une grande cérémonie en l’honneur des huit Soldats inconnus dont les cercueils venus de neuf points différents du champ de bataille, devront désormais reposer à Verdun.

    Donc, à l’heure même où le Soldat Inconnu entrera au Panthéon, en grande pompe, ses huit frères d’armes seront conduits au grand cimetière militaire du Faubourg Pavé, le plus important de la ville de Verdun. On les déposera solennellement dans le carré central. A cet emplacement, Verdun se propose d’élever par la suite sur leur tombe un monument commémoratif qui, par excellence, à la mémoire des morts de l’armée française, portera en exergue : Aux morts de l’armée française. Aucun discours ne sera prononcé à Verdun.

    Par train spécial, nous quitterons cette ville à 17 heures, ramenant, le héros inconnu, qui arrivera dans la nuit, non plus à la gare du Bois de Boulogne, mais à cette de Neuilly-Porte-Maillot transformée en chapelle ardente : c’est là que les mutilés et les anciens combattants veilleront leur frère d’armes.

    Le Soldat inconnu sera ensuite transporté à l’Arc de Triomphe, puis au Panthéon, avec le cérémonial que nous avons indiqué. »

    La mise en œuvre du programme du choix et du transfert est relayée par la municipalité de Verdun. Victor Schleiter, premier adjoint au maire est chargé de présenter le programme.

    Robin-Schleiter

    « - Le choix de Verdun, fait par monsieur Maginot, pour recevoir les glorieux restes des neuf Soldats inconnus, ne nous a point surpris, mais il nous honore grandement, et nous avons pensé aussitôt que Verdun se devait de faire à ces héros une réception grandiose dans sa simplicité. Le Général Boichut, commandant d’armes de la place, s’est prêté à nos vues avec une délicatesse que je ne saurais trop souligner et le programme que nous avons arrêté est très simple. Les neuf cercueils seront déposés dans une chapelle ardente à la citadelle. Le décor en sera nécessaire. Notre blason est orné aujourd’hui de seize décorations ; nous irons déposer ce trophée unique au monde aux pieds de ces héros inconnus, car ce sont eux, après tout, qui nous les ont gagnées et Verdun ne saurait mieux faire que de les apporter près de leurs cercueils. Nous invitons tous nos concitoyens à venir défiler devant ces cercueils autour desquels une garde d’honneur sera faite par la troupe et des représentants de la municipalité, des anciens combattants e t des vétérans, et chaque visiteur signera sur un registre, car, à ce jour, Verdun tient à cœur de remplacer les familles de tous les héros inconnus.
    Quand le sort aura désigné le corps qui doit être transporté à Paris, un cortège formé par les troupes, les autorités civiles et militaires, les Sociétés locales et les enfants des écoles accompagnera le cercueil qui, placé sur l’affût d’un canon, sera conduit à la gare, en passant par l’Hôtel de Ville où, durant un léger arrêt, la municipalité saluera ce héros inconnu. Et tandis que Paris rendra les honneurs suprêmes à ce Soldat Inconnu, Verdun fera de même pour les huit autres qui seront restés à la citadelle. Jeudi matin, ces huit cercueils seront transportés en grande pompe au cimetière militaire de Verdun et inhumés définitivement dans le tertre central, où se dresse la grande croix, et où nous avons l’intention d’ériger, plus tard un modeste monument à la mémoire de tous les Soldats inconnus de la grande guerre, dont plus de 300.000 reposent autour de notre ville.

    Verdun adopte ces représentants de tous les morts inconnus de la guerre. Auprès de leurs restes sacrés, notre ville remplacera les familles qui pleurent un être cher sans pouvoir s’agenouiller sur sa tombe, et ce ne sera pas le moindre des titres de notre glorieuse cité. »

    Un programme détaillé est fixé.

    « 10 novembre - de 8 heures à 14h30, défilé de la population et des enfants des écoles dans la chapelle ardente de la citadelle où seront exposés les cercueils des neuf Soldats inconnus et où auront été transportés les décorations et trophées de guerre de la ville de Verdun. La garde d’honneur étant assurée par un détachement de soldats en armes de la garnison, par le conseil municipal, d’un groupe d’anciens combattants de Verdun, les vétérans.
    Arrivée dans la cité héroïque le 10 novembre à midi, de monsieur André Maginot, ministre des Pensions. Il sera reçu à la gare par une délégation de la municipalité.
    A 15 heures, à la citadelle, en présence du ministre des Pensions, un soldat, pris au hasard par le ministre dans cette garde d’honneur désignera le cercueil du Soldat Inconnu qui sera transféré au Panthéon, en présence des autorités civiles et militaires, d’une garde d’honneur, d’une délégation de combattants et vétérans avec leurs drapeaux.
    Ce cercueil sera placé aussitôt sur un affût de canon.
    Formation du cortège avec le concours de s troupes, des autorités, des sociétés et de la population. Défilé par la ville.
    Arrêt à l’Hôtel de Ville. Le maire de Verdun épinglera sur le cercueil la médaille de la ville ; trois couronnes seront déposées, par la veuve d’un soldat disparu, le père d’un soldat disparu, l’orphelin d’un soldat disparu.
    Conduite du cercueil à la gare, où il partira immédiatement pour Paris par train spécial. Itinéraire : rue du Rû - pont Saint-Amand, (actuellement rue du 61e R.A.) - rue Saint-Louis - rue de la Rivière, (actuellement rue Victor Schleiter) - rue de la Digue, (actuellement rue Gambetta) - Pont-Neuf - rue de l’Hôtel de Ville, (actuellement rue Raymond Poincaré) - arrêt devant l’Hôtel de Ville (sans dislocation du cortège), - pont Beaurepaire, (actuellement pont Legay) - rue Beaurepaire - rue Mazel - rue Saint-Paul - avenue Garibaldi - la gare.
    Sonnerie de toutes les cloches de la ville sur le passage du cortège.
    A 20 heures, retraite aux flambeaux.

    11 novembre. - La ville de Verdun présidera à l’inhumation solennelle des huit autres cercueils de Soldats inconnus restant à Verdun.
    A 9 heures 30, dans la cour de la gare, les cercueils, mis sur des affûts de canon, seront d’abord rangés autour du monument de la Défense de 1870. Revue des troupes de la garnison par le général de division Boichut, commandant la 1re division d’infanterie, commandant d’armes de Verdun.

    Discours de monsieur Lecourtier, député de la Meuse.
    Défilé devant le monument de la Défense des troupes, des enfants des écoles, des sociétés locales.
    A 10 heures 30, transfert en cortège des huit cercueils au cimetière militaire du Faubourg Pavé, et inhumation dans le massif central.
    A 13 heures 30, place de la Roche, manœuvre de la compagnie des Sapeurs-Pompiers. Présentation des nouveaux officiers. Remise du ruban de la médaille commémorative de la grande guerre aux pompiers, agents de police et gardes civils qui y ont droit.

    A 14 heures 30, représentations populaires gratuites :

    Au cinéma militaire de la citadelle supérieure, organisées gracieusement par l’autorité militaire.
    Aux deux cinémas Excelsior et Lorraine, mis gracieusement à la disposition de la municipalité. »

    Deux appels sont lancés.

    Appel de la Municipalité

    Mes chers concitoyens,

    - La France entière fêtera le 11 novembre le cinquantième anniversaire de la proclamation de la République et le deuxième anniversaire de la fin de la guerre. Verdun donnera toute son ampleur à cette journée.
    Un rôle magnifique lui a été réservé par le Gouvernement de la République. C’est à Verdun que vont être réunies les glorieuses dépouilles de neuf Soldats inconnus, venant de neuf régions de corps d’armée qui s’échelonneront de la mer du Nord à l’Alsace. C’est à Verdun que l’un d’eux sera choisi pour aller symboliser au Panthéon les 1.500.000 morts de la guerre. C’est à Verdun que ses huit camarades dormiront leur dernier sommeil.

    « Verdunois,

    Fiers du choix de notre chère cité pour recevoir les représentants symboliques de tous nos morts, vous tiendrez à honneur de répondre, du plus profond de vos cœurs, à l’appel du Gouvernement.
    Tous vous viendrez saluer mercredi les neuf cercueils émouvants. Les portes de la citadelle inviolée vous seront grandes ouvertes. Nos enfants, conduits par leurs maîtres, y viendront apprendre une glorieuse page de notre histoire. Les élus de la cité, les anciens combattants de la grande guerre, leurs aînés les vétérans, assureront en permanence une garde d’honneur. Ils seront la famille de ces neuf enfants de France inconnus. Ils veilleront avec une pieuse affection ces enfants de la cité verdunoise.
    Dans la chapelle ardente, où leurs corps seront déposés, notre ville apportera le seul hommage compatible avec sa gloire et sa pauvreté : les seize décorations et son cœur.
    Et quand, sous la présidence du ministre Maginot, le sort aura désigné le soldat choisi pour le Panthéon, vous escorterez son cercueil par nos rues en ruines, vous saluerez à son passage devant notre Maison commune, comme l’un de vos enfants ; nos cloches sonneront sur son chemin, la ville entière sera avec lui.
    Nous garderons ensuite jalousement les huit camarades que nous confie le Gouvernement. Nous les adopterons pour nôtres à jamais. Nous les conduirons jeudi au cimetière militaire du Faubourg Pavé, où nous leur réserverons une place d’honneur, dans notre terre rougie de tant de sang, sacrée par tant d’héroïsme. Toute la population voudra suivre les huit cercueils sur lesquels planent toutes les affections des familles françaises qui pleurent leurs fils disparus. La France nous confie ce qu’elle a de plus cher : les représentants du million de morts inconnus de la grande guerre.
    Verdun reçoit avec reconnaissance et respect ses reliques glorieuses, et auprès de ces héros, notre ville tiendra à honneur de remplacer leurs familles et de veiller sur elles tant que Verdun sera français, c'est-à-dire pour toujours.
    Le programme détaillé sera publié ultérieurement. »


    Appel aux habitants

    « Mes chers concitoyens,

    - Le 11 novembre, jour où seront célébrés à la fois les deux anniversaires du cinquantenaire de la République et de l’Armistice, le Gouvernement a décidé de transporter solennellement au Panthéon les restes d’un soldat français inconnu, mort au champ d’honneur. Par un sentiment qui honore grandement notre Ville, dont le nom résume toute la vaillance déployée par notre armée de héros, monsieur le ministre des Pensions a décidé que les corps de neuf soldats français inconnus, pris dans les divers secteurs du champ de bataille seraient amenés à Verdun et déposés dans une chapelle ardente à la citadelle, et que là un simple soldat désignerait au hasard le cercueil qui sera transporté au Panthéon.
    A ces héros inconnus, que la France va nous confier pendant quelques heures, la ville de Verdun rendra l’hommage qui leur est dû.
    Dans la chapelle ardente, où leurs corps seront déposés, notre ville apportera le seul hommage compatible avec sa gloire et sa pauvreté : les seize décorations que la France et les nations alliées nous ont décernées et qui ont été gagnées par ces héros au monde desquels figurent tant de soldats.
    Ceux-ci ont donné leur vie pour sauver la France, Verdun déposera à leurs pieds sa gloire, ses décorations et son cœur.
    Ces neuf soldats inconnus ne seront pas veillés par leurs familles ; mais Verdun tiendra à suppléer celles-ci, et à tour de rôle, tous sans exception, nous viendrons auprès d’eux remplacer les mères, les veuves et les orphelins qui pensent que peut-être celui qu’elles pleurent, est là et recevra les honneurs suprêmes.
    Mes chers concitoyens,

    Mardi prochain, les portes de la citadelle vous seront grande ouvertes. Vous viendrez tous saleur les dépouilles mortelles de ces soldats qui représenteront tous les héros inconnus de la Grande Guerre. Dans cette chambre ardente, vous trouverez le Livre d’Or de la ville de Verdun qui n’a reçu, jusqu’à ce jour, que des signatures de Souverains ou de Chefs d’Etat, et cette fois vous y mettrez la vôtre, car Verdun remplacera toutes les familles de tous les héros inconnus « Morts pour la France ».
    Puis, mercredi matin, lorsque le sort aura désigné le cercueil qui doit rentrer au Panthéon, vous serez tous là, pour l’escorter pieusement, à travers nos rues, jusqu’au portes de notre glorieuse ville, afin que, lors de son arrivée, à Paris, les plis du drapeau qui l’enveloppera apportent à la citadelle, au nom de toutes les régions dévastées, les sanglots tristes et reconnaissants de la cité meurtrie, qui gémit encore dans ses ruines ; mais qui n’a pas connu la souillure des pas de l’envahisseur.
    Quant aux huit autres cercueils, reliques sacrées qui n’auront pas les honneurs du Panthéon, nous les adopterons, nous les garderons.
    Verdun leur donnera un lieu de repos moins magnifique : Verdun leur offrira sa terre, rougie de tant de sang, sacrée par tant d’héroïsme et d’abnégation.
    Et jeudi prochain, au début de l’après-midi, vous reviendrez vous grouper auprès de la citadelle, et tous ensembles, nous accompagnerons nos huit fils adoptifs à leur dernière demeure. »

    Les cérémonies du 10 et du 11 novembre connaissent un véritable succès populaire. Elle marque à tout jamais la symbolique nationale.

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